Quand une décision du 1er ministre indien nous propulse sur le devant de la scène

[Article écrit par Pauline]

 

Pour que vous compreniez ce qui va suivre, il me faut revenir un peu en arrière, le lendemain de notre arrivée à Varanasi.

Ce matin là, on apprend de la bouche d’un touriste, que le gouvernement indien a décidé de supprimer les billets de 500 et 1000 roupies du marché financier (équivalent respectivement à 6 et 13 euros environ). La décision, annoncée du jour au lendemain, vise apparemment à lutter contre le marché noir et les faux billets en remplaçant les plus grosses coupures existantes par des nouvelles : de nouveaux billets de 500 rps et des billets de 2000 rps devraient être mis en circulation prochainement.

A partir d’aujourd’hui donc, ces billets n’ont plus aucune valeur, plus personne ne les acceptera, il faut aller les échanger à la banque. Nous, fraîchement débarqués en Inde, on n’a pas encore eu le temps de faire les provisions niveau argent. François et moi avons seulement un billet de 1000 roupies, deux de 500 roupies et quelques uns de 100. Bon et bien c’est parti, on va aller les échanger ! Mais plus facile à dire qu’à faire… en effet les banques sont prises d’assaut et pour pouvoir échanger ses billets, il faut s’armer de patience ! En Inde, quasiment toutes les transactions quotidiennes se font en cash, la carte bancaire est très peu utilisée. Les gens ont donc tous de grosses quantités d’argent chez eux, qu’ils ne peuvent maintenant plus utiliser, sans parler de ceux qui n’ont même pas de compte en banque… Ça fait donc énormément de billets qui vont devoir être échangés, mais bien sûr les stocks d’argent sur place ne sont pas suffisants pour faire face à cette déferlante. L’échange d’argent a donc été limité à un certain montant par jour par personne (5000 roupies je crois), et c’est premier arrivé, premier servi et tant pis pour ceux qui arrivent trop tard, ils pourront retenter leur chance le lendemain. Avec François on s’avoue vaincu avec la banque : on n’a pas envie de faire la queue pendant des heures, on préfère profiter de Varanasi. On mise donc sur le fait qu’on pourra encore peut être aujourd’hui payer certains commerçants avec les billets.

Ca marche plus ou moins :  à la fin du deuxième jour on se retrouve encore avec un billet de 500 roupies sur les bras et quasiment rien d’autre. En effet, pour corser encore plus les choses, il est quasiment mission impossible de trouver un ATM ouvert (comme si c’était pas assez casse-tête comme ça !). On a beau chercher à plusieurs endroits de la ville : rien ! Et on ne sait pas quand la situation se débloquera. Kilian et Sophie, eux, seront encore plus embêtés et seront obligés d’emprunter un billet de 500 roupies à l’hôtel et d’aller faire le change à la banque (ils changeront par la même occasion notre billet de 500, encore merci ! ).

Le lendemain, on se rend à l’évidence : on a prévu de partir le soir même de Varanasi pour rejoindre la ville de Satna (simple étape pour la nuit avant de rejoindre Khajuraho), mais si on ne trouve pas d’argent avant de partir ça va vraiment être compliqué. On décide donc d’utiliser nos « euros de secours », et on file échanger ce qu’il nous reste à un taux qui est déjà en train de dégringoler : 20 euros pour quatre on ne va pas aller loin comme ça, mais on reste optimiste : les ATM vont bien finir par être approvisionnés !

On débarque tous les quatre à Satna en début de soirée. A peine arrivé, on se met déjà en recherche d’un ATM. Satna n’est pas du tout une ville touristique et ça se ressent : les gens viennent tous nous saluer, essayer de discuter un peu, nous serrer la main mais nous on n’a qu’un mot à la bouche : « ATM ». Les pauvres essaient de nous aider comme ils peuvent, mais on a bien l’impression que c’est peine perdue. Au fur et à mesure, un attroupement se fait autour de nous et cela finit par attirer des policiers en service. Allez, dernière tentative « Do you know where we could find an ATM ? ». Leur réponse est sans appel, on ne trouvera rien d’ouvert ce soir, il faudra retenter notre chance demain matin. On les sent bien embêtés de nous voir si désemparés et on sent bien qu’ils aimeraient faire quelque chose pour nous aider. Finalement, on leur tendra une perche non préméditée en leur demandant s’ils connaissent un hôtel pas cher où on pourrait passer la nuit. Et là, ni une ni deux, ils nous proposent de nous escorter jusqu’à un hôtel. Et c’est parti pour une soirée délirante !

On nous fait monter dans une jeep derrière un duo de choc : une chef et son adjoint, elle petite rondouillette à l’air autoritaire et lui grand, mince, plutôt beau gosse (ça a le mérite d’être souligné, car d’habitude, les indiens ne sont pas vraiment à mon goût). On part donc en recherche d’un hôtel avec toute notre escorte – et oui, réquisitionner une jeep pour nous ne suffisait pas, mais trois ça paraissait un peu plus approprié à la situation !

On nous dépose à un premier hôtel. Les policiers nous accompagnent jusqu’à la réception qui fait vraiment très classe… aïe, ça risque d’être trop cher pour nous ici ! En effet, on ne s’est pas trompé, on est obligé de refuser les chambres. Après avoir remercié nos amis policier, on s’apprête à repartir à la recherche d’un hôtel, cette fois sans escorte. Mais c’était sans compter la motivation de nos nouveaux amis : ils ont décidé de nous aider à trouver un hôtel et ils iront jusqu’au bout… bon pourvu que le prochain hôtel convienne !

On repart donc en mode commando. Sur la route, on s’arrête pendant 20 min pour laisser passer une parade, apparemment un gourou très connu. Un monsieur avec un gros réflex en profite pour venir discuter avec nos chauffeurs et nous prendre en photo. C’est bizarre un indien qui se promène dans la rue avec un si gros appareil photo… Quand on repart il nous suit et s’arrête, comme nous, devant l’hôtel. Les gendarmes parlementent, donnent des coups de téléphone, pendant ce temps là, nous, on attend sagement dans la voiture. Ils viennent enfin nous trouver et nous demande que l’un d’entre nous vienne avec eux. Allez, c’est moi qui m’y colle ! Je sors de la jeep, et, avant d’entrer dans l’hôtel, je passe un mini-interrogatoire mené par le monsieur au gros appareil photo qui veut savoir d’où on vient, ce qu’on a fait depuis qu’on est arrivé en Inde, si on a eu beaucoup de souci avec les retraits d’argent… bizarre ! On me fait enfin entrer mais je m’assoie sur une banquette pendant que les gendarmes parlementent avec le gérant de l’hôtel. Ah, ça y est, il semble enfin s’intéresser à moi et me demande de venir signer le registre de l’hôtel… mais comment ça ? J’ai dû louper un épisode là… je ne vais pas signer sans même savoir combien coûtent les chambres et à quoi elles ressemblent ? Je demande, innocente, « How much is it ? », sur quoi le gendarme me répond que c’est gratuit avant d’ajouter « Don’t ask question » devant mon air étonné. Je n’ai pas le temps de réaliser, que François (qui commençait à s’inquiéter) me rejoint, suivi de Sophie et Kilian. Ils remplissent le registre pendant que je finis mon interview avec le monsieur à l’appareil photo : et oui, tout s’éclaire, c’était en fait un journaliste, demain on sera dans le journal !

Après avoir remercié à n’en plus finir nos policiers et pris quelques photos, on prend possession de nos chambres, qui, pour couronner le tout, sont vraiment pas mal. On part manger dans la ville n’en revenant toujours pas de la chance qu’on a eu et surtout de la gentillesse de nos bienfaiteurs ! On se trouvera une petite gargote faisant des thalis à petit prix, parfait pour notre bourse serrée. Mais étant habitué au dalh bat népalais, qui étaient à volonté, on ne se méfie pas quand les serveurs proposent de nous resservir et on prend tout ce qu’on nous propose… au final l’addition sera plus salée que prévu… Demain, il faudra vraiment qu’on trouve un ATM !

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Le lendemain, c’est départ sur les chapeaux de roues, cette fois il faut qu’on en trouve un ! On s’arrête dans une première banque prise d’assaut par les Indiens. On commence à faire la queue devant l’ATM, ça à l’air de marcher, il faut juste être patient, on ne devrait pas en avoir pour plus de deux heures… Mais très vite des employés de la banque viennent nous trouver, nous emmènent voir le manager qui nous propose de passer devant tout le monde. Au début on refuse, un peu gêné, mais devant leur insistance, on finit par se laisser faire. Ils emmènent d’abord Sophie au distributeur, elle retire donc 2000 roupies (somme limite de retrait par personne et par jour). Ils attendent ensuite encore un peu avant d’emmener le suivant (pour éviter que ça grogne trop au distributeur) mais c’est trop tard… il n’y a plus de sous, les stocks sont vides… Oh non, il va falloir tout recommencer dans une autre banque…. On en trouve rapidement une autre et pendant que les garçons font la file d’attente (cette fois on ne refait pas le coup de « on passe devant tout le monde »), nous les filles on garde les sacs. Finalement ce ne sera pas très long et les garçons reviendront avec 4000 roupies et le journal ! On est bien dedans, pas en première page il ne faut pas exagérer, mais on a le droit à un article assez conséquent avec notre photo. L’article en question parle des problèmes suite à la décision du gouvernement et explique que, même pour les touristes, c’est la galère ! Il cite ensuite notre exemple de la veille en expliquant que la police a dû nous payer la nuit d’hôtel car nous n’avions plus un sou en poche… tu parles d’une gloire ! Mais ça suffit à faire monter notre côte de popularité, les gens nous reconnaissent dans la rue et on est encore plus sollicité qu’avant (en photo, un de nos plus grands fans).

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C’est donc plus serein financièrement qu’on est reparti de Satna direction Khajuraho… Mais les ennuis financiers ne se sont pas arrêtés là ! Ils nous ont poursuivis pendant tout notre séjour en Inde. On nous avait dit que la situation s’arrangerait au bout d’une semaine, mais un mois après, c’est toujours pareil, voir même pire car plus personne n’a de petite monnaie. Les distributeurs délivrent tous maintenant des billets de 2000 roupies qu’il est très dur d’écouler, car, bien souvent, les commerçants sont incapables de rendre la monnaie sur une somme si importante.

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Quasiment tous les jours, on est donc en recherche d’un ATM pour pouvoir retirer nos 4000 roupies quotidiennes. Parfois, quand on a de la chance, un ATM ouvre juste au moment où on passe devant ou bien les indiens insistent pour qu’on passe devant tout le monde dans la file d’attente. Mais d’autres fois, on doit faire la queue pendant 1 heure, on est alors content qu’il y ait une file pour les femmes et une autre pour les hommes, car pour moi, c’est alors beaucoup plus rapide. Le plus dur c’est les moments où après avoir attendu pendant longtemps, on découvre que notre carte ne passe pas au distributeur ou que, juste devant nous, la personne n’arrive plus à retirer car c’est fini, il n’y a plus de billets (et ça ne nous est pas arrivé qu’une fois !).

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Au moins cette situation aura démontré une fois de plus la gentillesse des indiens envers les étrangers, toujours prêts à nous venir en aide. Pas plus tard qu’hier par exemple, alors que cela faisait 2 jours qu’on ne trouvait pas d’ATM et qu’on commençait à être très juste niveau argent, un jeune indien nous a pris sous son aile. Il a payé un tuk-tuk pour qu’il nous emmène à un distributeur d’argent assez éloigné qui avait apparemment été approvisionné, nous a donné un peu « d’argent de poche » et laissé son numéro en cas de problème. Arrivés devant le distributeur en question, nous voilà rassurés : il y a une très longue file d’attente, signe que ça marche. On prend donc notre place dans la queue, mais immédiatement des indiens viennent nous trouver pour nous dire de passer devant, que tout le monde est d’accord. Trop gentils ! Pour la petite histoire, finalement ce jour là on ne réussira pas à retirer de l’argent, l’ATM nous fera un pied de nez en tombant en rade juste au moment où on arrivait devant. C’est pas grave, on n’a plus qu’à attendre demain, on est habitué !



10 réponses à “Quand une décision du 1er ministre indien nous propulse sur le devant de la scène”

  1. Pauline D dit :

    C’est bien le genre de mésaventure dont on rigole après coup mais qui ne doit vraiment pas être facile à vivre sur le moment !! Tout ça pour paraitre dans le journal ^^ Et sinon dans les files d’attente les indiens n’étaient pas trop « collants » ?

    • Pauline BUSSON dit :

      Pas de problème de ce côté là, car de toute façon, pour retirer de l’argent, je faisais toujours la queue dans la file réservée aux femmes. Mais en général, les Indiens étaient corrects et je n’ai quasiment pas connu de mésaventures…

  2. Vincent B dit :

    Coucou!

    J’ai enfin pris le temps de lire tous vos articles! C’est vraiment cool et les photos sont vraiment belles! Profitez en bien!

    Bisous bisous!

    • Francois dit :

      Coucou copain,

      Merci pour ton message (cool un nouveau fan!), on profite à fond 🙂 Passez de bonnes fêtes, on vous fait des bisous

  3. Marie-Laure et Bernard dit :

    Money,money,money…vous n’oublierez pas votre séjour en Inde.
    Grosses bises à tous les deux

  4. Koko dit :

    Bon moi j’étais déjà au courant de vos mésaventures donc j’aurais juste un commentaire : sympa le pull éléphant de François

  5. Marie dit :

    J’avoue que je suis jalouse du pull éléphant aussi !

  6. Nath dit :

    Vos récits, vos photos,,vos aventures, j’adore! Profitez bien! Des bisous de petite tribu!

    • Pauline BUSSON dit :

      Merci Nath ! Gros bisous à vous quatre et passez de bonnes fêtes… je penserais bien à vous quand vous mangerez foie gras, fruits de mer et dessert de Noël accompagnés de bons vins !

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