Des airs de bout du monde à Phongsali

[Article écrit par François]

 

Notre aventure dans le nord du Laos commence par un long trajet de nuit en bus. Difficile de faire plus typique, la climatisation est poussée à fond, à tel point qu’on doit se réfugier dans nos sacs de couchage. On embarque un scooter dans la soute, des pots de peinture et des sacs de riz prennent place dans l’allée centrale et on s’arrête très souvent pour prendre et déposer des gens. A une heure du matin, le chauffeur décide de faire une pause dans un petit village au milieu de la route pour faire une sieste. Les Laotiens ne sont pas très résistants en transport et les sacs distribués au départ seront bien utiles. On fait même des pauses de temps en temps pour jeter tous les sacs de vomi sur le bord de la route. Il n’y a quasiment que des locaux dans le bus, sauf deux Autrichiens, Karl et Karine avec qui on va bien s’entendre et qui vont nous accompagner par la suite. Tous les deux la cinquantaine, ils ont commencé leur voyage par trois mois de vélo en Europe, puis quatre mois d’itinérance en Afrique (Namibie, Zimbabwe, Tanzanie,…) et ils poursuivent maintenant en Asie.

Après une nuit bien fraiche, on débarque dans la petite ville de Phongsali où on trouve rapidement une guesthouse. On va faire un tour dans la ville, c’est un peu une ambiance de bout du monde. Il fait très froid, il y a énormément de brume, personne ne traine dans la rue, les quelques personnes qu’on aperçoit sont recroquevillées autour d’un feu, le marché n’est pas très animé (petite question pour les experts, c’est du chien ou de la biche sur la dernière photo ?). Mais qu’est-ce qu’on est venu faire ici ?

01 - Phongsali

02 - Phongsali

03 - Marché

04 - Marché

 

On traîne encore un peu, assez pour s’apercevoir que les gens sont assez chaleureux ici. On est dimanche et beaucoup de familles sont attablées autour d’un repas. Un premier homme, visiblement déjà attaqué, nous offre à chacun deux shooters de whisky. Un autre homme nous fait monter chez lui, avec toute sa famille en train de fêter le nouvel an chinois (avec 2 semaines de retard !), et nous invite à boire des verres de bière. Bien réchauffés, on va manger un plat chinois (et oui, on est près de la frontière et il y a plein d’expatriés qui habitent ici) dans un petit resto et on retourne à la guesthouse pour retrouver Karl et Karine. On n’oublie pas qu’on vient dans cette région assez reculée pour faire un trek pour partir à la rencontre des ethnies de la région et on se rend avec nos compères dans la seule agence de la ville qui organise ces excursions (l’office de tourisme en organise aussi, mais il est fermé le dimanche). Le prix de base des treks est assez élevé, mais grâce aux talent s de négociateurs de Karl et Karine et après être resté une heure autour d’un feu à discuter, on arrive à bien faire diminuer les prix et on se donne donc rendez-vous le lendemain pour un trek de 3 jours et 2 nuits. On a même le droit de goûter à la spécialité locale, la peau de buffle grillée au feu, pas terrible…

Le soir, pour éviter à la pluie qui s’abat sur la ville (encore un des attraits de cette ville, il pleut très souvent !), on mange chacun nos pots de nouilles chinoises (Juliette et Coco, souvenir…) dans la guesthouse et on voit deux filles arriver. Il s’avère en fait qu’elles sont Françaises, s’appellent Sophie et Marine, ont 35 et 37 ans, viennent tout juste de démarrer leur tour du monde et rentrent de l’agence où elles se sont greffées à notre groupe de 4. Notre petite équipe est formée, parée pour le départ.

 

C’est parti pour le trek

On choisit de partir pour une durée de 3 jours, ce qui permet de bien s’éloigner des routes et d’aller explorer des petits villages qui ne reçoivent quasiment aucun touriste. Les paysages traversés pendant cette rando sont vraiment sympas, on commence par une première partie en bateau, on marche ensuite dans la jungle et on traverse plusieurs cours d’eau où il faut enlever nos chaussures. Il y a beaucoup de dénivelé, ce qui n’est pas de tout repos, surtout avec les chemins rendus glissants par la pluie. On prend notre premier repas assis à côté de la rivière en se servant de feuilles de bananier comme d’une table. Notre guide s’appelle Sang, il a 35 ans, et il connaît bien la nature et les villages où on s’arrête, ce qui nous permet de nous sentir à l’aise dans les familles. Petite innovation pour la fin de notre circuit, on passe par un chemin qu’il n’a encore jamais pris ce qui nous vaut quelques aventures supplémentaires, notamment quand il construit un petit pont en bambou pour traverser la rivière en équilibre avec nos gros sacs.

05 - Le pilote

06 - Sang

07 - Rando

08 - Repas

09 - Rando

11 - Laotien

13 - Pont en bambou

14 - La troupe

 

Comme déjà expliqué, si on vient marcher pendant 3 jours dans ce coin paumé, c’est pour aller à la rencontre de villages habités par des minorités du Laos. Ainsi, pendant notre trek, on va passer par 4 villages « Akhas » (Ban Bai Cho, Ban Naporxang, Ban Peryenxangkao, Ban Peryenxangmai), dont 2 où on passera la nuit, et un village « Lao Seng » (Ban sopngam). Les villages sont très rustiques et on sent bien que toutes nos technologies ne sont pas encore arrivées jusqu’ici. On se fait la réflexion que ces villages sont certainement les plus reculés qu’on ait eu l’occasion de voir dans tout nos voyages. Les villages sont habités par quelques centaines d’habitants, avec toujours beaucoup d’enfants. Les maisons Akhas sont toutes construites en bois et en tôle, sauf dans le dernier village où les toits sont en chaume. Elles sont entourées de clôtures en bois afin que tous les animaux qui se baladent en liberté dans le village ne puissent pas rentrer. Et des animaux, il y en a partout, des poules, des cochons, des chiens, des buffles, des vaches. Ici, bien sûr, pas d’électricité, l’éclairage se fait soit à la bougie, soit avec des panneaux solaires, ou pour quelques maisons, avec un groupe électrogène. Les maisons sont un peu différentes chez les Lao Seng, construites sur pilotis. Dans les villages, il y a aussi plein de petites cabanes sur pilotis qui servent à stocker le riz qui vient d’être récolté. Enfin, les villages ne sont pas tout à fait isolés, un petit chemin qui passe dans la jungle permet de rejoindre la ville de Phongsali en moto pour acheter quelques produits.

15 - Village

16 - Village

17 - Village

18 - Maison

19 - Animaux

20 - Maisons sur pilotis

 

Chaque village possède son école élémentaire pour que les enfants puissent apprendre à lire, écrire, compter et parler anglais. L’école élémentaire est normalement obligatoire, mais elle est aussi payante, ce qui fait que les familles pauvres, avec beaucoup d’enfants, ne peuvent pas se permettre de tous les scolariser. L’école est généralement séparée en plusieurs sections et les élèves ont l’air plus ou moins studieux, plutôt moins quand on passe les voir. Les professeurs sont logés directement dans les villages et ne rentrent que de temps en temps chez eux. Pour la suite, si certains enfants veulent continuer leur scolarité, il faut aller à Phongsali, et donc payer pour l’école et pour la pension, ce qui est difficilement supportable pour les familles.

21 - Ecole

22 - Ecole

 

Lorsqu’on arrive dans un village, on est généralement invité chez le chef. Il est élu par les villageois et, dans les villages dans lesquels on est passé, il est assez jeune et surtout, il a fait des études pour pouvoir représenter les intérêts de tous. L’intérieur des maisons est très sommaire, une pièce principale où tout le monde se réunit, des alcôves sur les côtés qui servent de chambres et une cuisine. Il n’y a pas de revêtement au sol, on est directement sur la terre et il y a parfois des tissus sur les murs pour la décoration et pour couper un peu le vent. Les familles dorment généralement tous ensembles, sur des petits matelas posés sur des planches de bois, pas terrible pour l’intimité. Pour la Saint Valentin, on a eu le droit à une nuit romantique, à 6 sur deux matelas et demi, coincés entre le guide et Sophie et Marine. Au moins, on s’en souviendra ! Les gens sont très curieux et, le soir, quand on se change avant d’aller au lit, on voit plein de têtes qui dépassent des rideaux pour observer ce qu’on fait.

23 - Intérieur de maison

24 - Cuisine

25 - Viande qui sèche

 

Pour le repas, on installe une petite table ronde et des tabourets et on place les plats au milieu pour que tout le monde se serve. Les hommes mangent avec nous, pendant que les femmes cuisinent. On a le droit à la tournée de LaoLao, l’alcool local, avant, pendant et après le repas, mais ça va, c’est pas trop mauvais. Au menu, pas très original, toujours du riz, beaucoup de riz, des légumes et parfois de la viande ou plutôt du gras. Il y a souvent un attroupement autour de nous pendant le repas, tout le monde vient voir les « farang » (terme lao pour les étrangers).

28 - Repas

29 - Repas

 

Le moment le plus drôle reste quand même la douche. Enfin, douche est un bien grand mot. Le premier soir, il y a un petit filet d’eau au milieu du village et il faut réussir à se laver tant bien que mal sous le regard amusé d’un petit attroupement qui regarde le spectacle. Le deuxième soir, il y a un point d’eau un peu à l’écart du village qui sert de douche. Les femmes ont une technique pour se laver : elles s’enroulent complètement dans un sarang, se mouillent avec un seau d’eau, se lavent, se rincent puis se changent, vraiment pas très pratique. Moment beaucoup moins drôle, les WC ou plutôt l’absence de WC. Pendant la journée, ça va, il faut juste aller un peu à l’écart des maisons dans la forêt. Par contre la nuit, c’est une toute autre aventure avec les chiens et les cochons en liberté dans le village. Notre technique : sortir à deux avec un qui tient un bâton pour faire fuir les animaux pendant que l’autre fait ce qu’il a à faire. Pas très rassurant quand même avec les yeux qui brillent dans le noir et les aboiements. Avantage : avec le nombre de cochons qui traînent, il n’y a plus aucune trace le lendemain matin.

26 - Douche

27 - Douche

 

Dans les villages, les premiers qui nous accueillent sont généralement les enfants. Ils font les timides, se cachent dès qu’on les regarde, mais au bout d’un moment, ils finissent par s’habituer à nous et viennent nous voir de plus près, s’amusent avec nous et adorent se faire prendre en photo. Ils sont tous très mignons, mais aussi très sales. Les hommes sont, pour la plupart, gentils et assez fiers, ils s’occupent des enfants, jouent avec eux et viennent nous voir pour essayer de discuter. L’avantage de notre formule sur 3 jours et 2 nuits est qu’on a du temps à passer dans les différents villages et donc les gens ont le temps de s’habituer un peu à nous. La vision que les villageois ont de nous est assez drôle car ils ne nous demandent pas de l’argent, mais ils veulent savoir si on a des médicaments pour guérir telle ou telle maladie.

30 - Homme

31 - Enfants

32 - Enfants

33 - Homme

34 - Enfants

35 - Enfant et buffle

36 - Homme

37 - Enfant

 

De leur côté, les femmes sont beaucoup plus timides, elles restent souvent en retrait et nous observent de loin. Les femmes Akhas portent au quotidien une tenue traditionnelle propre à leur ethnie avec une grande coiffe complexe, c’est beau, mais ça n’a pas l’air très pratique. La coiffe varie en fonction de la situation de la femme. Il est très difficile de faire une photo de femmes car elles refusent souvent quand on leur demande. Etant animistes, elles croient que lorsqu’on les prend en photo, on leur vole une partie de leur âme.

38 - Femme

39 - Femme

40 - Femme

41 - Femmes

 

Le travail des champs occupe une grande partie du temps des hommes et des femmes. Pendant notre randonnée, on a croisé de nombreuses parcelles où les arbres étaient coupés. Sang nous a expliqué que ces terrains sont ensuite utilisés pour planter du riz qui constitue l’aliment principal des Akhas. Le pavot est aussi beaucoup cultivé pour produire de l’opium qui est ensuite consommé sur place ou vendu aux Chinois. Officiellement, la culture du pavot est interdite et le gouvernement mène une lutte contre la drogue. Dans les faits, il s’avère que les militaires viennent de temps en temps dans les villages, coupent quelques plants de pavot pour les photos, puis ils repartent avec les poches emplies de victuailles et d’argent. Les hommes partent également à la chasse. Les femmes sont bien occupées, dès le matin, elles partent chercher du bois pour faire le feu qui va servir à cuisiner et à se réchauffer, elles vont chercher de l’eau avec de grands bambous qu’elles remplissent, elles font à manger, elles font la vaisselle et lavent les affaires. Pendant ce temps, les enfants, une fois sortis de l’école s’amusent avec leurs jouets faits mains : tricycle, roue de vélo,…

42 - Femme qui porte du bois

43 - Femme qui lave le linge

44 - Femme qui va aux champs

45 - Champs de pavot

46 - Chasseur

47 - Enfants

48 - Enfants

 

Ce trek, malgré les conditions assez difficiles, a été une super expérience et nous a permis de partir à la rencontre de villages isolés et préservés du tourisme. En plus, notre petit groupe de 6 personnes, accompagné de Sang, était vraiment super. Mais, on n’est quand même pas mécontent de rentrer à Phongsali pour prendre une bonne douche chaude et passer une nuit dans un bon lit.

49 - Les vainqueurs

 

Pas de temps à perdre, il ne nous reste plus que quelques jours avant notre vol pour les Philippines, on part tôt le lendemain matin pour rejoindre le ville d’Oudomxai, simple étape pour la nuit. On prend donc un premier bus, mais il a beaucoup plu la veille et les routes, en plus de ne pas être en très bon état, sont très glissantes. On est tranquillement dans le bus quand tout à coup je sens qu’on commence à déraper. Le conducteur arrive à reprendre le contrôle, heureusement, car le ravin sur le bord de la route n’était pas loin ! On repart, mais un peu plus loin, c’est encore très glissant et ce qui devait arriver arriva, on se retrouve dans le fossé. Après un bon moment passé à trouver la solution la plus à même de nous sortir de là, on comble le fossé avec des pierres et le bus arrive à remonter sur la route. Plus de peur que de mal ! On arrive sain et sauf à Oudomxai où on passe une nuit avant de prendre un bus vers notre prochaine destination, Muang Ngoi Neua.

50 - Accident



9 réponses à “Des airs de bout du monde à Phongsali”

  1. papou dit :

    Ah là vous étiez vraiment au bout du monde. Vos portraits sont vraiment super. Les fleurs violettes et blanches c’est du pavot ? Bisous

  2. Marie-Laure et Bernard dit :

    Dépaysement garanti; de beaux paysages et de beaux portraits.
    Bises

  3. Catherine L dit :

    Coucou les amis !Beau parcours, authentique et rustique. Joli les champs de pavots et les portraits sont superbes. Je pense que ce n’est pas une biche, François tu est en Asie! On en a vu aussi sur les marché au
    Vietnam.
    Maintenant retour à la civilisation en NZ avec Pauline et Edward, bisous à vous tous.

    Vous êtes revenus à la civilisation en NZ.

    • Pauline BUSSON dit :

      Oui c’est sûr, changement radical avec la Nouvelle-Zélande! On a bien réceptionné Pauline et Edouard, tout roule!

  4. Béatrice dit :

    Toujours aussi impressionnée par vos reportages !! bisous

  5. Koko dit :

    Pour répondre à votre question, je dirais que c’est un chien car les biches ont des plus grandes oreilles !

  6. Philippe et jojo dit :

    Coucou a vous deux ,vraiment super reportage avec toutes vos aventures, ça donne envie d’etre dans vos bagages
    Profiter bien
    Bise a vous deux

  7. Regine et philippe dit :

    Vous avez été retenus pour « rendez-vous en terre inconnue » ? On s’y croirait…
    Grosses bises

Répondre à Catherine L Annuler la réponse.

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